Mission: sauveur
Si vous avez l’impression d’aider tout le monde, mais que personne ne semble en faire de même pour vous, que vous dépensez beaucoup d’énergie pour que chacun aille mieux dans votre entourage, tout en vous épuisant inexorablement, il est probable que vous ayez endossé le rôle de sauveur.
Même si, au départ, cela semble être un rôle pour le moins captivant, haut en couleurs et régénérant, qui devrait vous apporter reconnaissance et estime de vous-même, il n’en est rien.
« Je ne t’ai rien demandé! »
Avez vous déjà entendu quelqu’un à qui vous apportiez de l’aide vous asséner un « je ne t’ai rien demandé! ».
Cela peut être douloureux à entendre, pourtant, bien souvent, c’est le cas, il (ou elle) ne vous a pas demandé de l’aider. Il (ou elle) avait peut être besoin de parler, de se plaindre, d’être écouté(e), mais pas que vous lui disiez quoi faire.
Vous avez donc choisi vous-même d’enfiler votre cape.
C’est pourtant avec bienveillance que vous agissez en tant que sauveur, sentant une difficulté, une souffrance chez l’autre. Mais si vous proposez des solutions (qui seront les vôtres) à cette personne, vous lui enlevez toute part d’autonomie.
En outre, un autre problème se pose, car, lorsqu’il y a un sauveur, il y a aussi un persécuteur et une victime, et les rôles ne sont pas figés.
Le triangle de Karpman: persécuteur / victime / sauveur
Dans le triangle dramatique de Karpman, 3 rôles, et le passage de l’un à l’autre, tour à tour:
- une victime,
- un persécuteur,
- un sauveur.
Exemple: une mère appelle sa fille : « ça ne va plus avec ton père, je n’en peux plus, je ne sais plus quoi faire, il me trompe et tout le monde le sait maintenant » (la victime: présentation de la plainte).
Le mari (le père) est donc le persécuteur.
La fille, en recherche de solutions, se place tout naturellement en sauveur: « tu devrais le quitter, ça fait trop longtemps que ça dure, tu mérites d’être heureuse, on ne peut pas accepter d’être humiliée, pars! »
Et là, retournement de situation, changement de rôles: la mère à sa fille: « mais je ne peux pas faire ça, tu n’y comprends rien, je l’aime! Vous, les jeunes, vous partez à la moindre occasion, ton père est quelqu’un de bien, si tu t’y étais intéressée un peu au lieu de ne t’occuper que de ton travail, tu l’aurais vu, quand il était malade, il était tellement triste de ne pas te voir. De toute façon, tout ça, c’est depuis que tu es mariée à Machin… ».
Que se passe t il? La mère devient le sauveur de son mari (« le pauvre… »), mais aussi le bourreau de sa fille (« tu n’es jamais là… »). Elle en profite au passage pour lui tendre une belle perche de culpabilité, ça ne coûte pas plus cher.
La fille devient le persécuteur (malgré elle) de son père, qui finit par être une victime (alors que le problème était au départ identifié de son côté par son comportement infidèle). Les rôles ont donc changé, bienvenue dans le triangle de Karpman!
Pour couronner le tout et mettre un peu de piment dans l’histoire, la mère propose, en parlant de M.Machin, d’introduire un nouveau triangle dans le triangle. Vous voyez donc comment la fille, qui, au départ, n’a rien demandé à personne se retrouve enchevêtrée dans un problème de famille, alors qu’elle n’avait que de bonnes intentions, pour venir en aide au couple parental, et indirectement, à son système familial.
Le sauveur dans le couple
- je sais que je peux l’aider,
- je veux qu’il (elle) soit heureux (se),
- je peux être fort(e) pour deux.
- j’ai l’impression que je ne tombe que sur des gars (dégâts) à réparer,
- j’ai l’impression que je n’ai que des filles (défis) à relever,
- il va finir par comprendre, on s’aime (ou puisqu’il m’aime).
Oui, mais l’autre a t il envie de changer ? A t il même seulement conscience que quelque chose ne va pas?
Le sauveur au travail
« Je dois aider mes collègues, je suis célibataire, j’ai un peu de temps, ma collègue vient d’avoir un enfant, elle est fatiguée. Tiens, elle est même en arrêt maintenant. Mon chef me dit que je dois faire ses heures sinon l’entreprise va couler. J’accepte de prendre seul(e) la responsabilité de tout ce travail, quitte à ne pas être payé(e) plus. Je peux le faire. »
Oui, car on peut vous tendre la perche du sauveur, surtout au travail où l’intérêt n’est pas forcément porté sur votre personne, votre santé, mais l’intérêt de l’entreprise. On peut vous donner le sentiment d’être indispensable, pourtant, le jour où vous n’êtes plus là, la roue continue à tourner, et vous avez été pressé(e) comme un citron sans que l’on ait fait un zeste pour vous.
Comment devient-on sauveur?
- J’ai été éduqué comme cela, je reste fidèle à mes croyances: « je dois être gentil, aider les gens… » (certains métiers sont d’ailleurs « idéaux » pour cela: les infirmières, assistants sociaux…. Vous pouvez ainsi vous perdre dans votre travail à trop vouloir aider autrui, en vous oubliant parfois totalement,
- Je ne m’écoute pas: je sens que ce n’est pas bon pour moi, mon corps me le dit, mais je n’en tiens pas compte,
- Je ne fixe pas de cadre, de limites à mon entourage (couple, enfants, patron, amis): « sans toi, on n’y arrivera pas, c’est toujours toi qui t’es occupé de tout, tu fais ça si bien… »,
- Je veux bien faire,
- Je suis à l’écoute, empathique,
- J’ai besoin d’être aimé(e), d’exister,
- Je suis entouré(e); et j’accepte d’être entouré(e) de gens qui se plaignent,
- J’ai vécu des situations difficiles, et j’aurais tellement voulu être aidé(e)…
« La seule personne que l’on peut sauver est soi-même. »
1e étape: prendre conscience que quelque chose ne va pas.
2e étape: chercher des solutions en soi.
3e étape: si vous n’en trouvez pas: demandez conseils et allez consulter un professionnel.
S’occuper de soi, prendre soin de soi, apprendre à mieux se connaitre, avoir une image de soi positive, se porter de l’estime sont des ingrédients essentiels pour vivre SA propre vie. Comment trouver sa place si vous n’êtes pas vous à 100%, si vous vous perdez dans l’autre?
Le pervers dans le triangle
Si vous ne savez pas qui vous êtes, et donc que vous ne pouvez pas vous affirmer, l’autre s’en chargera pour vous, et dans le cas des pervers, il essaiera de faire de vous ce qui l’arrange. Une personne perverse s’en prendra la plupart du temps à des personnalités de type « sauveur » ou « victime ». Sans sauveur et sans victime, pas de persécuteur!
S’autoriser à penser à soi, en premier
Penser à soi, s’autoriser à exister n’est pas une forme d’égoïsme ou d’égocentrisme. Au contraire, c’est à ce moment que vous serez le plus apte à être à l’écoute de l’autre sans plonger dans son problème avec lui.
La personne la plus importante, c’est vous!
Dans la liste des gens les plus importants de votre vie, où vous placez-vous?
La plupart des personnes interrogées placent leurs enfants en premier, et s’oublient même parfois totalement: ils n’apparaissent pas du tout dans la liste. Pourtant, c’est bien en vous mettant tout en haut, que vous serez aligné(e) avec la personne que vous êtes réellement. Ainsi, vos enfants bénéficieront directement de votre « bien-être ».
Si vous êtes bien dans vos baskets, il y a fort à parier qu’ils auront plus de facilités à se sentir bien dans les leurs.
Sortir du rôle de sauveur
Pour ne pas entrer (ou sortir) de ce rôle de sauveur, il est important, avant d’écouter l’autre, d’être attentif à vos ressentis: si vous êtes fatigué(e), que vous avez l’impression que les gens vous appellent toujours à l’aide, que vous n’avez même plus le temps de penser à vous, vous pouvez fixer de nouvelles règles avec ceux et celles qui ont pris l’habitude de vous donner ce rôle (même si, le vrai responsable reste celui qui accepte de l’endosser).
Faites le choix de laisser à l’autre son autonomie: quelle est sa demande? Que pouvez-vous faire pour lui, ou avec lui sans que cela ne devienne un problème, un poids pour vous? (voir si cela est écologique pour vous, le but étant qu’il n’y ait aucune conséquence négative pour vous).
Dès que vous prenez un des trois rôles (persécuteur, victime, sauveur), vous vous trouvez dans le triangle, et vous faites partie du problème.
Soyez à l’écoute, conseillez peut-être, mais ne cherchez pas à imposer votre point de vue, gardez à l’esprit que la solution doit venir de la personne, sinon, non seulement vous la privez de son autonomie, mais également de la satisfaction, la fierté, de s’en être sorti seule.
Et surtout, vous créez une dépendance vis-à-vis de cette personne.
Quand vous voyez se dessiner le triangle de Karpman, sauvez-vous! Prenez soin de vous, personne ne le fera à votre place.
Gilles Tchorowski,
Thérapeute spécialisé en relations humaines,
Infos et contacts: www.gtoujourslechoix.com
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